Nous, médecins signataires, sommes extrêmement inquiets des conséquences du dérèglement climatique et environnemental sur la santé de nos populations, surtout pour les groupes les plus vulnérables. La faiblesse des réponses apportées jusqu’ici par nos gouvernements nous mène à emboîter le pas aux mouvements de la société civile afin de demander une réaction immédiate, adéquate, et proportionnée à « la plus grande menace du 21 eme siècle sur la santé mondiale », comme le déclarait en 2018 « The Lancet », une des revues scientifiques médicales les plus reconnues au niveau international (1) .
Nous entendons les avertissements répétés des scientifiques quant aux conséquences du dérèglement climatique et environnemental (2) . Elles ont d’ores-et-déjà un lourd impact sur la santé physique et mentale de centaines de millions d’êtres humains à travers le monde. Elles augmentent en de nombreux endroits les inégalités, l’insécurité alimentaire, les pénuries d’eau, les conflits et les migrations. Elles seront, demain, la cause d’autant de souffrances pour nos enfants.
Parmi ces conséquences, nous relevons une augmentation en fréquence et en intensité d’évènements climatiques extrêmes (vagues de chaleur, inondations, sécheresses, incendies,...), une diminution de la qualité de l’air, une chute de la biodiversité, une dégradation des écosystèmes, une diminution de la productivité économique et agricole ou encore un accès à l’eau plus difficile voire impossible selon les régions.
Ces conséquences entraînent notamment une hausse de la mortalité liée aux températures extrêmes, une augmentation des pathologies respiratoires (asthme, allergies,...), une expansion des maladies tropicales transportées par les moustiques et autres vecteurs (malaria, dengue, Zika,...), une recrudescence de certaines maladies infectieuses ou encore la survenue de souffrances psychiques liées aux dérèglements environnementaux, aux catastrophes et aux conflits climatiques (éco-anxiété, syndrome de stress post-traumatique, ...) (3) .
Ces pathologies concernent en premier lieu les plus vulnérables parmi lesquels les sujets âgés, les nourrissons, les jeunes enfants, les patients atteints de maladies chroniques, les femmes enceintes et les personnes en situation de précarité. Elles vont surcharger et compromettre la viabilité des systèmes de santé en Europe et dans le monde.
Les recommandations du GIEC sont claires : afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et ainsi maintenir le système terre dans une « zone de viabilité pour les humains », il est impératif de réduire très rapidement les émissions mondiales de gaz à effet de serre en vue d’atteindre des émissions nettes nulles avant 2050. Les experts tirent trois conclusions spécifiques sur le lien entre le dérèglement climatique et la santé (4) : « chaque dixième de degré compte : plus le réchauffement climatique est élevé, plus le risque sur la santé est grand »; « les mesures pour limiter le réchauffement climatique pourraient avoir un effet positif important sur la santé des populations », et finalement, « plus nous attendons avant d’agir, plus grandes seront les adaptations nécessaires afin de préserver notre santé ».
Dès lors, en tant que scientifiques et professionnels de la santé, nous ne pouvons accepter l’incapacité de nos gouvernements à respecter les engagements pris lors de la ratification de l’Accord de Paris en 2015. La Belgique - dont le taux d’émissions par habitant est historiquement et à ce jour parmi les plus élevés au monde - ne prend actuellement pas sa part de l’effort. Nous pensons que cet échec, notamment lié à la peur de penser différemment et pourtant positivement l’évolution de nos sociétés sur le long terme, met la population en danger à court terme et génère dès aujourd’hui un mal-être profond parmi un nombre croissant de nos concitoyens.
Dans ce contexte, nous comprenons et soutenons les revendications des mouvements Youth For Climate, Extinction Rebellion et Coalition Climat qui demandent des actions drastiques et des résultats concrets afin de nous mettre sur la voie d’un monde viable pour les humains et pour le reste du vivant, dont nous dépendons par ailleurs.
(1) Lancet countdown 2018 http://www.lancetcountdown.org/the-report
(2) World Scientists’ warning to Humanity https://academic.oup.com/bioscience/article/67/12/1026/4605229
(3) Par exemple : https://www.adapt2climate.be/secteur/sante/#a2c_impact6a14-7dcf4212-7e51
(4) https://www.who.int/globalchange/181008_the_1_5_healthreport.pdf
(5) Voir en France : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2019/04/Résumé-aux-décideurs_FR_WEB.pdf
Info[at]docsforclimate.be